Caravan

Quand la lune ignore mon sommeil, Jeanne, je t’imagine en train de danser dans les plus beaux salons. Les tables de marbre rose caressent mon visage, et les nombreux mets que l’on y trouve, enivrent mes sens. Je te vois dans le coin de mes yeux, parcourant la salle pour la débarrasser de ces sièges de velours. Tu prépares la scène, seule, avec une énergie qui me dévore : j’aimerais me brancher sur ton cœur pour en connaître les secrets. Tu me regardes. Ta main filiforme me fait un signe, et je me lève. Mon corps entre en lévitation, comme une marionnette manipulée par un artiste. Nos doigts se rencontrent, Jeanne. J’imagine que comme moi, à cet instant précis, tu sens le courant pénétrer tes veines. Mon sang est en ébullition. Mon visage s’éclaire, lui qui était tant resté dans l’ombre de la lune sans sommeil. Jeanne, nos corps commencent à bouger ensemble sur le rythme de Duke Ellington. A Caravan je me réveille et mes yeux plongent dans les tiens, je pense « repose toi sur mes bras Jeanne, et laisse notre rêve d’amour se réaliser ». Le temps n’existe plus. La salle à l’origine brillante devient limpide. Le sol et les murs disparaissent, il n’y a plus rien Jeanne. Plus rien sauf toi et moi. Le vide nous imprègne de sa profonde absence. Plus rien ne compte Jeanne. Puis les images s’accélèrent. Quand nous tournons, les paysages les plus exquis s’offrent à nous : nous voyageons de la toundra russe, à la forêt Yakushima, en terminant par les couleurs du Vinicunca. Nous pouvons sentir l’odeur du muguet, l’odeur de la pluie qui tombe dans la forêt. Nous sentons la chaleur du soleil sur nos peaux, la tienne scintille. Nous survolons l’Adriatique. Jeanne, je souhaite que ce moment ne se termine jamais. La musique de Duke Ellington a fondu dans mes oreilles, je ne l’entends plus mais elle me berce, je ne la perçois plus mais la ressens. A chaque note de piano, je sens que la fin approche, Jeanne, nous devrons retourner sur Terre. Jeanne, puissions-nous choisir de ne plus subir la pesanteur, je choisirais la folie de t’aimer jusqu’au bout, de voler avec toi à chaque danse. Je sens ton souffle court au creux de mon cou, Jeanne, tu mènes la danse depuis le début du voyage. Tu es si vivante. Moi, si mort… La musique est terminée. Je retrouve mon corps, bien moins agile que dans les airs. Je me sens éteint. Nos mains se séparent et je te vois partir en direction de l’orchestre. Penché vers les musiciens, je vois tes lèvres bouger et former des mots, que tes interlocuteurs comprennent… Quelques minutes plus tard, je comprends ce que tu leur as demandé : c’était parti pour un nouveau voyage sur Caravan


Pour continuer l’aventure de la danse : Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles

2 réflexions sur « Caravan »

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