Les braises contenues dans la cheminée réchauffaient l’atmosphère. Les enfants assis sur le tapis poussiéreux semblaient se concentrer sur la personne qui était assise sur son fauteuil à bascule, leur grand-mère. Celle-ci avait pris avec précaution un journal jauni dans ses mains arides, qui trônait non loin d’une bouteille en verre âgée qui servait dorénavant de vase, et racontait avec attention et douceur une histoire, une histoire fantasque sans-doute, mais une histoire très personnelle, qu’elle partageait ici-même avec ses petits-enfants.
Ces derniers écoutaient l’histoire et se délectaient de chaque mot, bien que parfois trop alambiqués pour leur jeune âge, et s’imaginaient leur grand-mère réaliser tous ces exploits. Celle qui un jour, au printemps d’une année bien trop lointaine pour eux, se baladait pour rejoindre un marché à l’autre bout du village, vint à l’aide d’un jeune producteur de lait, embourbé dans la tourbe trop proche de la route. Elle était allée chercher du renfort, des villageois qui l’accompagnèrent, tirant de toute force à s’en faire céder les bras le camion du pauvre laitier. Une fois libéré, il pouvait enfin reprendre la route, mais ne pouvant s’en aller sans remercier cette jeune femme, il avait décidé de lui offrir une douzaine de bouteilles en verre remplies de lait, ainsi que son cœur.
Séduite par le jeune homme, elle grimpa à ses côtés pour rejoindre le marché, et depuis ne se quittèrent plus, jusqu’à très récemment. Grand-mère se leva alors lentement de sa chaise, et pris avec tendresse le vase posé sur la table, souvenir d’un ancien temps qui continuait pourtant à battre dans son cœur.