Au creux de la nuit

Linda était derrière un parapet de briques sur lesquelles couraient des filaments de vignes vierges. Elle observait d’un œil peureux la scène qui se déroulait sur la place en losange, bardée de quelques vieux bâtis : une mairie à l’allure désespérée, une boulangerie qui pleurait des levures de pain, un moulin dont l’hélice s’arracherait au prochain coup de vent. Linda était là depuis plus d’une heure maintenant, après que l’incident ait commencé. 

Dans son village, elle entendait toujours les mêmes bruits depuis sa naissance. Des sorcières au nombre de sept correspondraient secrètement, et tiendraient annuellement un sabbat sur la vieille place des bâtis qui s’effondrent, pour sacrifier un agneau. La rumeur courait depuis toujours, bien qu’aucun habitant n’ait jamais vu de chapeaux noirs, ni senti du mouton grillé. La nuit chassait le soleil quand Linda était sortie, et au croisement d’une rue, elle entendit des pas bruyants fouler les pavés.

Elle s’était dans un premier temps cachée dans une poubelle publique en lambeaux, dans laquelle elle espérait reconnaître les marcheurs. Elle ne vit pas de chapeaux. En revanche, elle contempla des masses noires, des longues robes qui ramassaient la poussière sur le sol. Les masses filiformes s’approchèrent dangereusement de sa position ; elle s’imaginait avoir été pistée, par des sorcières à l’odorat surdéveloppé.

Elle sortit rapidement de son objet, puis s’aventura, sans courage, sur la place de toutes les rumeurs. Elle se dépêcha de rejoindre ce parapet, qui lui donnait une couverture solide et un poste d’observation discret. Les sorcières approchèrent. Elles étaient sept, comme racontaient les bruits. Vêtues d’habits noir profond, elles tenaient dans leurs mains un si petit animal. Le contraste était dur à soutenir, comme un soleil avalé par un trou noir. 

Linda entendit les bêlements, si faibles, des petits cris qui ne devaient arriver à aucune oreille. Des rires gras accompagnaient la souffrance de la bête ; c’était pour les sorcières une explosion de bonheur, la promesse d’une nourriture sacrée qui viendrait alimenter les serpents enlacés sur leurs cuisses. Une des sorcières planta ses griffes dans l’abdomen de la bête. Le sang gicla sur tous les murs des anciennes bâtisses, sur Linda aussi, pile entre ses deux yeux. Elle sentit son corps tourner, une sensation de vide envahit ses pieds. Sans pouvoir les contrôler, elle se leva et rejoignit le cercle d’enfer, devant ainsi nouvelle disciple du sabbat.

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