Assis aux premières loges du pare-brise
J’accélère pour sentir la brise dans mes
Cheveux qui se mettent à voler sans emprise
Je passe une corniche, j’arrive au sommet
La vue est dégagée, c’est mon endroit fétiche
La musique en Bluetooth m’enivre, je m’approche
Du vide, sur un rocher, je mange une miche
Puis je me penche, pour contempler la paroi
Je sens des regards livides posés sur moi
Croient-ils que je pense à sauter ? Ils se trompent
Pas une seconde je n’y pense, mais les
Souvenirs dans mon esprit jamais ne s’estompent
Des milliers de fois, j’ai escaladé la face
Vertigineuse, avec ses prises vaporeuses
Qui glissent sous les doigts et la longue crevasse
Suivant la lisse paroi, dure et douloureuse
Il m’a fallu du temps pour cerner ses principes
Où poser mes pieds, où développer mon corps
J’avançais moins vite que la ruée vers l’or
Mais à l’horizon, quand le soleil me frappait
Je lui dédiais toujours la même oraison
Que « je resterai défier la gravité
Même quand la faim deviendra une prison »
Je voulais être plus léger que les atomes
Et pouvoir m’envoyer plus haut grâce à mes paumes
Je n’avais pas anticipé qu’une douleur
Viendrait s’abattre sans relâche sur mon cœur
Je ne pouvais plus grimper, je devais combattre
Une tâche, apparue sur une radio
Une tâche noire, devenue mon fardeau
En haut de la paroi, je contemple le vide
Deux hommes s’approchent, ils craignent pour ma vie
Je me suis reculé du bord les yeux humides
Il faut que je parte pour effacer la tâche,
Pour mener ma barque et retrouver mon panache
